En Suisse, le droit à l’image est un droit de la personnalité, protégé par l’article 28 du Code civil. Le principe est simple: on ne peut pas prendre quelqu’un en photographie sans son consentement, à moins d’un intérêt prépondérant privé ou public – le droit à l’information par exemple – ou d’une base légale. A partir de là, il s’agit d’être pragmatique.
«On ne peut évidemment attendre qu’une rue soit vide pour photographier, note Vanessa Chambour, spécialiste en droit à l’image à Lausanne. Une scène de rue, d’ambiance, ne constitue pas une atteinte lorsque les personnes y figurent comme accessoires. Si quelqu’un est ciblé ou individualisé, alors il devient sujet du cliché et l’on peut parler d’atteinte.»
Une foule ne pose donc pas de problème, tant que personne n’y est mis en valeur. Adieu les élégantes et les canailles de William Klein, les passants attrapés par Meyerowitz ou Burri.
Même pris dans la masse, un individu en situation gênante peut s’estimer lésé. Au revoir les clochards et les misérables de Cartier-Bresson. Quant aux personnalités publiques, elles doivent tolérer un degré d’exposition plus important que les anonymes. Une image les représentant dans un acte relevant de la vie privée doit cependant contribuer au débat d’intérêt général pour être justifiée.
«Il y a peu d’action en justice en Suisse, soit parce que les personnes ignorent avoir été photographiées, soit parce qu’elles sont flattées, soit parce qu’elles appréhendent les coûts et la longueur d’une procédure judiciaire. Les litiges sont souvent réglés à l’amiable», souligne l’avocate. Outre l’image en elle-même, le contexte de publication ou la légende peuvent porter préjudice aux individus photographiés. Il revient aux journaux de ne pas se détourner le sens d’un cliché.
Caroline Stevan
Article paru dans Le Temps du 25 août 2015